Quand j’ai parlé sur LinkedIn de ma participation prochaine à une retraite en silence de 7 jours, plusieurs personnes m’ont demandé de partager mon expérience à mon retour.
J’ai participé à cette retraite dans de cadre d’un programme sur 2 ans de développement personnel (simplification assumée, je cherche encore les mots), auquel je participe avec Thomas Hübl. Dans ce programme, le Timeless Wisdom Training, j’explore à la fois mon intériorité, et le lien au collectif, mettant progressivement à jour mes traumas individuels, transgénérationnels et collectifs, comme autant d’ombres invisibles et reliées.
J’ai donc passé une semaine à méditer en silence, en compagnie des 200 autres participants de la cohorte européenne.
Cela va faire bientôt 2 semaines que je suis rentrée, et je suis lentement en train d’intégrer ce qui est remonté à la surface en moi pendant ce temps hors du temps.
Ma première réaction, à la pensée d’écrire cet article pour partager, a été : “je ne peux pas, c’est trop intime.”
L’expérience d’une retraite en silence peut se résumer à une plus grande intimité avec soi-même, comme d’autres l’ont partagé avec moi.
J’ai pu observer en moi tous ces mécanismes automatiques, mes “patterns” de réaction, et combien la plupart du temps il s’agit d’histoires que je me raconte à partir de la réalité. Des histoires qui trouvent leurs racines dans mon passé, bien plus que dans le présent.
Les retraites précédentes, non silencieuses, et avec de nombreux échanges, je les avais vécues comme une thérapie de groupe intense et accélérée. L’impression d’être mise dans un shaker, faisant l’expérience de tout ce qui “m’active”, déclenche des réactions inconfortables et disproportionnées chez moi, pour doucement les accepter, les intégrer, et pouvoir récupérer plus de liberté dans ce qui se joue dans mes interactions avec les autres.
Ca a donc été édifiant pour moi, à défaut de surprenant, de voir à quel point je n’ai pas besoin d’interactions avec les autres pour être “activée”. Il suffisait déjà de croiser les pas de quelqu’un, de croiser ou pas son regard, de percevoir les bruits ou les mouvements de quelqu’un à côté, ou de ressentir l’énergie d’une personne, que je pouvais interpréter comme de la colère, de la tristesse, de la peur, de l’amour …
Toute cela suffisait à déclencher des réactions en moi, et j’ai eu tout le temps pendant la semaine d’observer, d’explorer ma part d’interprétation, les réactions en moi qui proviennent de sujets passés non résolus, et combien je le projette facilement sur la situation présente, comme un voile qui se superpose et qui brouille la vision.
J’ai pu prendre conscience avec clarté des certains de mes mécanismes de survie.
J’ai réalisé combien, pour me sentir en sécurité dans un groupe (et avec 200 personnes présentes, celui-ci est particulièrement large !), ma stratégie va être de nouer des relations avec le plus grand nombre possible de personnes.
De manière éclairante, j’ai pu voir combien cette stratégie diffère d’un individu à l’autre : certains vont créer de la distance par rapport aux autres pour se sentir plus protégés, d’autres vont rester proches de quelques personnes choisies avec lesquelles ils ou elles se sentent en sécurité.
Et combien cette stratégie est pour moi à la fois une chance, puisque grâce à cette inclination, je noue facilement des relations profondes avec un grand nombre de personnes, et en même temps répond à une forme de malédiction : je ne me sens pas en sécurité avec des gens si je n’ai pas établi une relation de confiance, c’est tout ou rien.
Les meilleurs moments ont été pour moi la méditation de nuit.
Ma chambre était située à 15 minutes de marche des bâtiments principaux. Avant le démarrage de la retraite, je me suis demandée si cela vaudrait la peine de me lever au milieu de la nuit, et de faire le chemin pour aller méditer avec une poignée de participants, assise dans ce grand hall qui accueille 200 personnes pendant la journée.
Le premier soir, j’ai choisi de laisser mon sommeil décider pour moi: si je me réveillais au milieu de la nuit, comme cela m’arrive souvent, alors j’irai, plutôt que de rester allongée éveillée dans mon lit. Et ainsi, je me suis retrouvée à 3h du matin, marchant au travers des champs sous la lune, pour m'asseoir une heure dans un silence infini.
Et c’était magnifique.
J’y suis retournée toutes les nuits, pour goûter cette paix profonde qui m'échappait pendant la journée.
Parce que les journées n’ont pas été faciles pour moi.
Le rythme consistait en un enchaînement de 40 minutes de méditation assise, 20 minutes de marche méditative, suivies nouveau 40 min de méditation assise. Ensuite une pause de 20 min avant de recommencer, à moins que ce ne soit l’heure d’un repas.
Il s’est avéré à peu près impossible pour moi de rester en paix avec moi-même sur un si long laps de temps.
J’ai eu des douleurs dans mon corps.
J’ai ressenti du désespoir.
Je me suis retrouvée “perdue” dans une mer de sensations inconfortables, que je percevais comme intolérables.
Pour donner du contexte à mon expérience personelle, il se trouve que j’ai un historique de trauma de très jeune enfant, où il a dû arriver que je me sois retrouvée seule confrontée à des situations stressantes, sans personne disponible pour m’apprendre à réguler mon système nerveux.
En tant que nouveaux-nés, nos parents nous apprennent d’abord à dormir, à manger et à digérer - je pense ici à ces 3 premiers mois qui suivent la naissance, dont ceux qui sont parents se souviennent forcément. Ensuite, nos parents nous apprennent progressivement à marcher et à parler, toutes choses qui nous semblent si naturelles une fois adultes.
De manière aussi cruciale, nos parents nous apprennent également à réguler notre système nerveux quand nous sommes submergés par des émotions intenses. Vous avez surement tous en tête cette image d’une mère (ou d’un père) qui prend dans ses bras un bébé secoué par les pleurs, et qui l’apaise doucement avec sa voix, avec la chaleur de son corps, un mouvement rassurant et de l’amour. C’est une des façons par lesquelles un bébé apprend à réguler ses émotions, et comme pour le reste, il a besoin qu’on l’aide.
Ce support émotionnel n’est pas toujours disponible, et quand c’est le cas, le jeune enfant va apprendre à contenir ses émotions, et arrêter de les ressentir tout court, car elles sont trop douloureuses. En résumé, s’il n’y a personne pour vous apaiser quand vous ressentez une détresse intense, et que vous n’avez pas appris à vous apaiser seul, vous vous coupez de vos émotions, littéralement.
Mais l’émotion reste retenue dans le corps, et elle va ressortir plus tard, quand vous aurez acquis la capacité à la traiter et l’intégrer.
C’est très probablement ce qui m’est arrivé, et qui m’a submergée de sensations physiques inconfortables, accompagnées de pensées désespérées dans mon esprit.
Ce n’est que le soir venant que le calme revenait chez moi, avec la possibilité de ressentir à nouveau de la joie, qui culminait dans ces moments magiques de méditation de nuit.
Il m’est aussi apparu progressivement que ce stress que je percevais n’appartenait pas qu’à moi, mais était présent plus largement dans la pièce, ou comme on dit de plus en plus, dans le “champs”.
Ce n’est que lorsque ce stress général a commencé à diminuer après quelques jours, lorsque un certain nombre de participants ont commencé eux-même à accéder à un calme plus profond, que j’ai réalisé à quel point ce stress avait été présent et m’avait affectée, augmentant mes propres sensations de solitude et de désespoir.
Tous ces mouvements intérieurs se sont déployés alors qu’autour de nous, le temps lui-même était surréel. Je ne suis pas familière du nord de l’Allemagne, et je ne sais pas si c’était normal pour la un début de mois de mars, mais nous avons été enveloppés dans une tempête de neige qui a duré 2 jours pleins. Elle nous a laissé au retour du soleil entourés par un paysage complètement blanc, avec 15 cm de neige qui ont tenu toute une journée. Et puis lentement, le dégel a commencé, le froid laissant la place au désordre de la vie qui émerge dans la boue du printemps, comme un miroir des mouvements de mon paysage intérieur.
Ce qui reste maintenant en moi de ce voyage ?
Je suis repartie avec une réalisation profonde, qu’à l’intérieur une partie de moi n’est pas en mesure de se relâcher complètement, d’avoir confiance, et que cette contraction m’empêche encore de ressentir pleinement la force de l’amour.
Cette clarté est avec moi depuis, avec l’intuition que c’est ce qui est sur mon chemin de croissance.
Mais ça, c’est le début d’une autre histoire, que je ne suis pas prête à raconter ici, pas encore tout à fait.
Merci Claude pour ce partager de ton cheminement intérieur, pour ce témoignage de la force du silence pour se connecter à soi-même, ombres et lumières. Je suis très touchée 🙏🏻
<3